Bulletin n° 2 de la fédération de la Libre Pensée du Doubs



Editorial

Saint Vit : Réunion-débat autour du livre de Pierre Montagne : « La République des Charlatans »
Autour de ce thème, une quarantaine de personnes ont débattu librement, passionnément construisant ainsi une Libre Pensée s’affrontant et se nourrissant de la réflexion des autres.
Quel plaisir de renouer au vrai débat d’idées, sans dogme mais en gardant nos principes : Ni Dieu, ni Maître, à bas la calotte. Vive la Libre Pensée !
      Le Président
 

 Du polythéisme au monothéisme

 Des hommes ont créé les religions. C’est un fait indéniable pour nous, libres penseurs. Les principales de nos jours sont du type monothéiste. Une question s’impose : doit-on considérer le passage du polythéisme au monothéisme comme une sorte de progrès vers une disparition complète des religions ou un grand pas en avant vers l’obscurantisme ?
 Les religions polythéistes étaient une tentative d’explication des phénomènes entourant les hommes des époques considérées (typiquement l’antiquité). A tel nouveau phénomène, l’arsenal mathématique, physique, chimique... manquant cruellement, on associait une divinité quelconque qui était la cause de ce nouveau phénomène. Ainsi, à chaque effet, une cause ! Si le principe est éminemment discutable, il est tout aussi indéniable que ce comportement était plus une tentative désepérée « d’expliquer » les phénomènes que d’établir un mode de domination.
Qu’en est-il du monothéisme ? Il part d’une double démarche : l’unification de l’explication des phénomènes (une seule entité est responsable de tous les phénomènes) et un nouveau caractère : la création d’une sorte de juge suprême, de principe unique de justice, en un mot d’un dictateur céleste. Chez les grecs et les romains, par exemple, pour un jugement divin d’un acte, il y avait une sorte de tribunal convoqué par le chef certes, mais il y avait l’existence d’un avocat et d’un procureur (cf. la guerre de Troie, Athéna, Apollon, Ménélas et Pâris). Tel ou tel dieu prenait le parti de l’humain, tel autre l’accusait ! On ne peut certes pas dire que cela contribuait au libre arbitre de l’homme mais enfin ... Avec le monothéisme, il en est tout autrement. Qu’on en juge ! Le Mussolini des nuages édicte sa Loi : tu ne feras pas ..., tu dois ..., tu ne peux ..., il est interdit ..., il faut ... Ces principes deviennent comme la mort : inexorables, indiscutables. Cet être providentiel  a tout de l’Hitler galactique : il s’autorise à juger, trancher, établir, arbitrer, décréter, décider, statuer, arrêter, conclure, fixer, prononcer, diriger, régenter, administrer, présider, gérer, ordonner, disposer, régler et pour finir combiner. Il faut voir dans la création du monothéisme un aller simple vers la barbarie. Comment qualifier une chose indémontrable, impalpable, sur lequel l’homme n’a aucun pouvoir, les seules relations existantes étant par l’intermédiaire de prophètes illuminés, de martyrs allant à la mort sourire aux lèvres, d’apôtres bêlants ou par l’entremise de bonnes femmes hystériques entendant des voix dans leurs cerveaux malades. Comment ne pas reconnaître que ces religions monothéistes font explicitement le lit des dictatures, elles temporelles, et que les églises issues de leurs principes totalitaires s’acoquinent au mieux avec les régimes autoritaires ! C'est dans la droite ligne de leurs principes d’unicité que de soutenir ce qui est l’unicité dans sa forme gouvernementale : le fascisme, l’hitlérisme, la dictature, l’autoritarisme, ... Et toutes les repentances du monde n’y changeront rien.
C.P.
 

 Crétinisme du syncrétisme

 « Le monde moderne du savoir peut-il faire une place à dieu ? » s’interrogeait la maison Fayard, celle de « l’honneur économique », annonçant, dans « Le Monde », la parution d’un livre écrit par Claude Allègre, « Dieu face à la Science », et la présence du ministre de l’Education Nationale sur « bouillon de culture », animé par Pivot.
La réponse est oui et le lecteur va voir comment (?) bien que cette adhésion positive n’exclue par un certain viatique  anticlérical, nécessaire à tout pèlerinage à Canossa , vite corrigé, fonction ministérielle et enseignement privé obligent; ce qui ouvre un chapitre inédit pour une future publication : La science en l’état face à dieu qui devrait, en contrepoint, faire le point sur l’origine théologique de la censure et sur le progrès accompli par sa forme moderne, la restriction mentale, symptôme certain du mélange opéré entre science et religion ou syncrétisme théologico-scientifique.
Il est bien certain, après ça, que le ministre Claude Allègre est d’abord un homme de paroles. A savoir que, comme à chaque jour suffit sa peine, avoir une opinion le lundi, une autre le mardi et ainsi de suite jusqu’au samedi n’empêche pas mais, au contraire, prépare la pensée oecuménique du dimanche. En somme, comme le souligne la conclusion de « dieu face à la science », M. Allègre est un homme « sincère ». Il pense au jour le jour et finit par croire que tout est bien qui finit bien. A force d’hésiter entre Rousseau et Voltaire, fatalement c’est Leibniz qui l’emporte.
Donc, ce dimanche (Vendredi 3 Octobre à mon calendrier des Postes), le ministre communiait et, à le voir, rien n’indiquait qu’il y eût péril en la demeure. L’âme, mes frères, disait docte le ministre, n’est pas donnée à la naissance. Elle arrive seulement une fois le cerveau formé. Et c’est vrai que ce soir là, le débat manquait un peu d’âme. D’ailleurs, nous n’avons pas eu le bonheur d’en savoir plus, Pivot ayant peut-être jugé, non sans bon sens, qu’en matière d’identité, il eût fallu inviter Chevènement plus au fait, sans doute, que son collègue sur un sujet aussi sensible.
Evidemment, la pensée, lancée de manière si oblique, comme un éclair, dans le vide, ne peut que suivre son karma  et continuer à se déployer à tort et à travers, comme elle brade sa liberté, dès le départ, liberté qui suppose, en effet, un effort, une résistance ou à tout le moins, une inertie face au monde foudroyé dans lequel nous vivons. L’immatériel, dieu, l’âme, mes soeurs - le syncrétisme est toujours politiquement correct - a rajouté, magistral, le ministre et toujours allègre, est un produit de la thermodynamique ... Que le lecteur ne s’effarouche pas, la ménopause est coutumière de tels effets mécaniques.
Sans être tout à fait d’accord avec M. le ministre, j’admettrai néanmoins que dieu et la science, même si ce rapprochement sent un peu le pourpre, doivent être traités de manière équitable, c’est-à-dire scientifiquement puisque l’équation posée « dieu face à la science » suppose, en principe, une sorte d’égalité entre les deux termes. On compare ce qui est comparable.
Mais, pour comparer, le lecteur admettra, à son tour, qu’il est impossible de s’en remettre à l’un des deux termes prouver ou crier dieu, expérimentalement, approuver ou désapprouver la science, moralement. Tout le monde sait bien qu’elle tourne, la religion, de casaque et que la science ne tourne jamais aussi bien que par le doute systématiquement désamorcé. Or, il y a un point commun qui unit ces deux objets, dieu et la Science : l’homme. Ou, plus exactement comme l’a dit ce soir-là le professeur Frydman qui n’usurpe pas son nom et s’affirmant par ailleurs athée, sans complexe et sans arrogance, l’homme est un rapport social qui unit au moins deux êtres humains, eh oui ! 2=1, qui ont à décider de leur vie s’ils ne veulent pas qu’on décide à leur place.
En conséquence, ni dieu, ni la science, ne sont les sauveurs du genre humain, comme ni l’un ni l’autre, d’ailleurs, ne sont les cannibales dont parle la chanson. Le premier parce qu’il est un article de foi, le produit d’un pari absurde de l’esprit humain religieux, plongé dans l’obscurité et cherchant la lumière, ce n’est pas moi qui le dit, qui, au lieu de considérer la liberté comme un fait de conscience, jaillissant de la vie réelle, matérielle, fait de cette liberté un objet individuel, autonome, unique et  donc incommunicable, ce qui revient à nier toute liberté humaine. La seconde parce qu’elle est le nécessaire de la nécessité, une activité liée à ce qui est et qui ne peut que dire et redire, à chaque instant, voilà l’homme, voici le monde, c’est ici qu’il faut sauter.
A ces mots, le général Allègre prend peur et dieu comme parachute. La superstition moderne est le vertige de la conscience qui comprend, soudain, au sens propre les idées qu’elle s’est et qu’elle a, elle-même, figurées, il y a déjà quelques siècles. Et s’imaginant, alors, par fantaisie iconoclaste, que la raison ne se dérobe sous ses pas, elle a ce cri du coeur : et si dieu existait ? Dieu étant posé, les hommes de peu de foi, fatalement, négocient la liberté, un par un, au cas par cas.
Dans le cas contraire, dieu n’étant pas posé, c’est notre liberté qu’aucune science ne peut vouloir, les hommes se retrouvent face au monde. Et, ayant acquis leur liberté, chèrement, au nom de quoi les hommes libres devraient se poser la question de la place de dieu alors que la place de l’homme dans le monde est loin d’être conquise ? Ou, y-aurait-il une raison éminemment pratique, de police liée à un grand désordre économique, qui ferait qu’on souhaite, tout à coup, redonner une place à dieu ? Cependant, cette fois, face à qui au juste ? Sans doute, face à une authentique science de l’homme, résultat de la liberté. Mais c’est là une toute autre histoire. (X)
 
 

 Retour à la page des bulletins